dimanche 12 février 2012

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Pour commencer ce blog, voici un petit texte...


Un matin comme les autres, croit-on. On part gagner son pain, les petites entailles de la vie en bandoulière, enveloppées d’obscurité et d’habitudes. On n’entend pas le hasard qui chuinte de sa voix râpeuse en grains de poussière : faites vos jeux, rien ne va plus. On est trop vieux pour ça, on n’a plus le temps, on est sur notre lancée.
Mais le projectile dévie de sa course. Ma vie a dévié de sa course.
Rues désertes des matins de janvier. Mon souffle en volutes ; le givre qui scintille sur les voitures, qui crisse lorsque j’en débarrasse la mienne. Pâlissement infime du ciel, sur le trajet, tandis qu’un nuage étire sa jeunesse. L’usine, déjà, et le laboratoire où les néons tranchent les angles avec précision. Mes mains qui se réchauffent contre la tasse de café.
Encore neuf heures, croit-on. Neuf heures avant de revenir chez soi et d’y laisser bêtement glisser le regard sur les visages de nos proches, comme autant de tableaux d’une exposition trop souvent parcourue. Neuf heures dans le ronronnement des machines qui veillent sur notre inspiration d’automates.
Mais le geste tant de fois répété s’interrompt : faites vos jeux, rien ne va plus. Pas une seconde d’hésitation avant de me pencher en me demandant pourquoi le liquide ne s’écoule plus.
Et le hasard me crache au visage son fiel d’acide.
Aussitôt la douleur rue, indomptable, derrière le rideau qui vient de se baisser. Ma vie devenue cri qui exige l’évanouissement. Il est trop tôt encore pour se sentir coupable.
Un matin comme les autres, croyais-je. Qui aurait été tel si j’avais protégé mes yeux contre la défaillance technique. Le matin d’une insensée naissance, en fait, celle d’une beauté que je ne verrai plus, d’une beauté désormais révolue et terriblement absente.
Dans la chambre d’hôpital silencieuse, mes lèvres ne s’entrouvrent plus que pour un faible gémissement. Pourtant le cri résonne encore, avec une acuité de lame sans cesse renouvelée. Faites vos jeux, rien ne va plus.

Je ne savais même pas que je jouais, et j'ai perdu.


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